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L'enfant qui résiste à la routine : guide de dépannage

10 October, 2025

Vous avez instauré une routine matinale claire. Vous l'avez expliquée, illustrée, vous utilisez même nos outils de façon assidue. Et pourtant, chaque matin vous devez négocier. Votre enfant traine, oublie, refuse parfois même catégoriquement de coopérer. Avant de conclure que les routines « ne marchent pas avec votre enfant », il faut d'abord prendre le temps d'analyser précisément ce qui ne fonctionne pas! 

 

Le diagnostic en trois questions essentielles

Question 1 : Est-ce que l'enfant CONNAIT la routine?

La réponse à cette question semble souvent évidente, mais c'est elle représente souvent un point important auquel on doit s'attarder. Votre enfant sait-il réellement ce qu'on attend de lui et dans quel ordre?

Pour les 3-5 ans : La routine doit être visuelle. Des images ou des pictogrammes auxquels l'enfant peut se référer sont ainsi nécessaires, alors qu'un enfant de cet âge n'est tout simplement pas en mesure de retenir une liste verbale de 6 étapes.

Pour les 6-8 ans : Les enfants de cet âge qui ont appris à lire peuvent généralement comprendre une liste écrite simplement avec des dessins qui accompagnent chacune des étapes. Mais attention : comprendre une fois ne veut pas dire avoir mémorisé. Ainsi, la répétition est absolument nécessaire pour bien intégrer la routine!

Pour les 9-12 ans : À cet âge, votre enfant devrait maintenant connaître la routine par cœur. Si ce n'est toujours pas le cas après plusieurs semaines, c'est peut-être qu'elle est trop complexe ou qu'elle comprend trop d'étapes.

Question 2 : Est-ce qu'il PEUT faire ce qu'on lui demande?

Votre enfant possède-t-il les capacités physiques, cognitives et émotionnelles nécessaires pour accomplir chaque étape de la routine de façon autonome?

Capacités physiques : Un enfant de 4 ans peut-il réellement attacher ses souliers à lacets? Atteindre son bol rangé dans l'armoire du haut? Verser son lait sans en renverser? Si une étape de la routine exige une habileté qu'il ne maitrise pas encore, il résistera peut-être par frustration ou attendra passivement que vous le fassiez à sa place.

Capacités cognitives : Un enfant de 5 ans n'est pas en mesure de « gérer son temps » intuitivement. Puisqu'il n'a aucune idée de combien de minutes il lui reste pour compléter une étape de sa routine, exiger qu'il s'habille « rapidement », sans support visuel du temps, est irréaliste.

Capacités émotionnelles : Certains matins, un enfant anxieux ou fatigué n'a tout simplement pas l'énergie émotionnelle pour fonctionner de façon autonome, même s'il en est normalement capable. Il arrive aussi que les transitions sont simplement plus difficiles pour certains enfants!

Pour vous aider à cibler plus précisément ce que votre enfant est capable d'accomplir selon son âge, consultez notre Parcours d'autonomie, disponible sur notre Magazine en ligne ainsi que sur notre application Octave.

Question 3 : Est-ce qu'il peut INITIER l'action seul?

Connaître et pouvoir faire quelque chose ne garantit pas que l'enfant pensera à le faire de lui-même. L'initiation – ce déclic qui dit « bon, c'est le moment de commencer » – est en effet une fonction exécutive complexe.

Pour les 3-6 ans : L'initiation spontanée est presque inexistante. Ces enfants ont en effet besoin d'un signal externe clair pour se mettre en action : un minuteur, une chanson, votre voix, etc. 

Pour les 7-9 ans : À cet âge, l'initiation se développe, mais demeure fragile. Un enfant distrait par un jouet n'entendra pas votre rappel verbal; il a besoin de repères visuels ou auditifs récurrents.

Pour les 10-12 ans : Entre l'âge de 10 et 12 ans, l'initiation devrait fonctionner la plupart du temps, mais sera facilement compromise par la fatigue, le stress ou les distractions (comme les fameux écrans, par exemple!).

Ces trois questions devraient vous permettre de différencier la résistance volontaire (généralement plutôt rare) des obstacles réels qui bloquent l'enfant dans la réalisation de sa routine. 

 

Scripts de conversation par situation

Face à la résistance de votre enfant, les mots que vous choisissez font souvent toute la différence. Voici donc des scripts de conversation possibles adaptés aux trois scénarios les plus fréquents.

Situation 1 : Le refus total

Ce qui se passe : Votre enfant croise les bras et refuse catégoriquement de participer à la routine (cris et pleurs souvent en extra!).

La réaction à éviter (idéalement!) :

  • « Tu n'as pas le choix, tu DOIS le faire! »
  • « Arrête de jouer la comédie, ce n'est pas si difficile! »
  • « Si tu ne le fais pas, tu auras une conséquence! »

Script efficace pour 3-6 ans :

« Je vois que tu ne veux vraiment pas t'habiller maintenant. C'est difficile de quitter ton jeu, hein? Je te donne deux choix : tu peux t'habiller dans ta chambre, ou tu peux le faire dans le salon. Qu'est-ce que tu préfères? Si tu veux, je vais t'aider à commencer. »

Script efficace pour 7-10 ans :

« Tu sembles vraiment fâché ce matin. Qu'est-ce qui est particulièrement difficile aujourd'hui? D'accord, je comprends que tu sois fatigué. La routine doit toutefois rester la même, mais on peut ajuster comment on la fait. Est-ce que tu veux mettre un minuteur de 10 minutes et voir combien d'étapes tu es capable de faire? Ou est-ce que tu préfères que je reste avec toi pendant que tu t'habilles? »

Script efficace pour 11-12 ans :

« Je remarque que les matins deviennent de plus en plus tendus. Je crois que ce serait bien qu'on en parle ensemble ce soir. Pour l'instant, qu'est-ce qui t'aiderait à passer au travers du matin plus facilement? La routine ne change pas, mais peut-être qu'on peut trouver une façon qui fonctionne mieux pour toi? »

Situation 2 : Le traîneur professionnel

Ce qui se passe : Même si l'enfant ne refuse pas directement, le temps de réalisation chaque étape de la routine est interminable. Il rêvasse, se distrait et trouve mille et une raisons de ne pas progresser.

La réaction à éviter (idéalement!) :

  • « Dépêche-toi! » (souvent répété une dizaine de fois!)
  • « Tu le fais exprès ou quoi? »
  • « On va être en retard à cause de toi! »

Script efficace pour 3-6 ans :

« On dirait que ton corps bouge au ralenti ce matin! Est-ce que ton corps a besoin d'aide pour aller plus vite? Regarde, je mets le minuteur. Quand il sonne, on doit avoir fini de s'habiller. Tu penses que tu peux y arriver? »

Script efficace pour 7-10 ans :

« Je remarque que tu prends beaucoup de temps ce matin. Est-ce que quelque chose te déconcentre? Ah, ton livre te distrait! D'accord, on va le mettre sur la table et tu pourras le reprendre après la routine. Regarde ta liste : il reste 3 étapes à faire. Combien de temps penses-tu que ça va prendre? Parfait, on met le chrono! »

Script efficace pour 11-12 ans :

« Tu avais prévu partir à 7h45, il est maintenant 7h50 et tu n'es pas encore habillé. Qu'est-ce qui s'est passé? D'accord. Alors, quel est ton plan pour gérer ton temps différemment demain? Je ne veux pas avoir à te le rappeler constamment – comment est-ce qu'on peut te rendre plus autonome? »

Situation 3 : L'oublieur chronique

Ce qui se passe : Chaque jour, il « oublie » des étapes de la routine. Son sac n'est pas prêt, ses dents ne sont pas brossées, son lunch est resté sur le comptoir.

La réaction à éviter (idéalement!) :

  • « Je te l'ai déjà dit 100 fois! »
  • « Pourquoi tu n'écoutes jamais? »
  • « Tu oublies toujours tout! »

Script efficace pour 3-6 ans :

« Oh non, on a oublié de brosser tes dents! Allons voir notre tableau de routine ensemble. Ah, regarde : brosser les dents, c'est juste après s'habiller. Demain, quand tu verras l'image des vêtements cochée, tu vas te souvenir de regarder quelle image vient après. Je vais t'aider à t'en rappeler. »

Script efficace pour 7-10 ans :

« Ton lunch est encore resté sur le comptoir. Ça fait trois fois cette semaine. Clairement, quelque chose ne fonctionne pas dans notre système. Qu'est-ce qui pourrait t'aider à te souvenir de l'apporter? Est-ce qu'on met un post-it sur la porte? Une alarme sur ta montre? Tu mets ton sac directement devant la porte dès que ton lunch est dedans? »

Script efficace pour 11-12 ans :

« Tu as oublié es vêtements d'éducation physique pour la troisième fois ce mois-ci. Je sais que c'est embêtant pour toi et que ça te stresse à l'école. Comment est-ce qu'on pourrait créer un système qui fonctionne? C'est ta responsabilité de te souvenir de les apporter, mais je peux t'aider à mettre en place des outils. Qu'est-ce qui te conviendrait? »

L'objectif de ces scripts n'est évidemment pas de les reproduire à la perfection, mais bien de créer un dialogue qui permet d'identifier les véritables obstacles et de construire ensemble des solutions.

 

Le kit anti-résistance : trois outils à mettre en place

Parfois, il arrive que la résistance persiste malgré vos meilleurs efforts de communication. C'est alors le moment d'introduire des outils concrets qui redonnent du pouvoir à votre enfant tout en vous permettant de maintenir la structure nécessaire.

Outil 1 : Le tableau de choix (adapté aux 4-10 ans)

Le principe : Offrir à l'enfant un contrôle limité sur l'ordre de certaines étapes de la routine.

Comment ça fonctionne :

Créez un tableau comprenant quatre à six étapes de la routine plus laborieuses sous forme de cartes (dessinées, imprimées ou écrites). Deux ou trois de ces étapes doivent être fixes (par exemple, « s'habiller » doit venir avant « mettre les chaussures »), mais l'enfant peut choisir l'ordre des autres.

Exemple concret – routine matinale :

  • Étapes fixes : S'habiller en premier, chaussures en dernier
  • Étapes à ordonner au choix de l'enfant : Déjeuner, se brosser les dents, se coiffer, préparer son sac

Pourquoi ça marche :

La résistance vient souvent d'un sentiment de perte de contrôle. En permettant à l'enfant de personnaliser sa routine chaque jour, vous transformez une imposition externe en choix personnel. Il devient ainsi  acteur de sa routine plutôt que victime de vos consignes!

Outil 2 : La carte joker (adapté aux 6-12 ans)

Le principe : Une fois par semaine, l'enfant peut utiliser une « carte joker » qui lui permet d'éviter de faire une étape non-essentielle de la routine.

Comment ça fonctionne :

Identifiez ensemble 2 ou 3 étapes de la routine qui peuvent être négociables (c'est-à-dire non essentielles à la sécurité ou à l'hygiène de base). Voici quelques exemples : faire son lit, ranger ses jouets, choisir ses vêtements la veille.

Donnez à votre enfant une carte physique que vous pouvez même prendre le temps de fabriquer ensemble. Chaque semaine, il peut ainsi l'utiliser UNE fois pour éviter de réaliser l'une des étapes décidées au préalable. 

Pourquoi ça marche :

Cet outil permet d'enseigner plusieurs compétences précieuses : évaluer ses priorités, gérer une ressource limitée et faire des choix stratégiques. L'enfant apprend qu'il a un pouvoir d'ajustement, sans que tout devienne pour autant négociable en permanence.

Outil 3 : Le thermomètre d'énergie (pour les 5-12 ans)

Le principe : Permettre à l'enfant d'indiquer son niveau d'énergie ou son état émotionnel avant de commencer la routine, pour que vous puissiez ajuster votre support en conséquence.

Comment ça fonctionne :

Créez un thermomètre visuel simple comprenant 5 niveaux :

  •  Vide / épuisé / très difficile aujourd'hui
  •  Bas / fatigué / j'ai besoin d'aide
  •  Moyen / correct / je peux essayer
  •  Bon / en forme / je suis capable
  •  Super / plein d'énergie / je vais vite!

Avant de commencer chacune de ses routines quotidiennes, ou avant celle qui est généralement plus difficile pour lui, l'enfant pointe ou colorie son niveau d'énergie. En fonction de ce qu'il indique, vous pouvez ainsi adapter votre présence et votre niveau de soutien.

Pourquoi ça marche :

Cet outil valide les émotions de l'enfant et fournit un langage commun pour parler de son état du moment. Au lieu de deviner ou d'interpréter sa résistance comme de la mauvaise volonté, vous obtenez facilement et rapidement une information claire. Et l'enfant apprend par ailleurs la capacité de s'auto-évaluer, une compétence précieuse!

 

La technique « Quand/Alors » vs les menaces

Lorsque la résistance persiste, beaucoup de parents tombent dans le piège des menaces. C'est bien sûr tentant et parfois même efficace, mais c'est contre-productif. Voici donc une alternative qui permet d'obtenir la coopération sans affecter la relation.

Pourquoi les menaces ne fonctionnent pas à long terme

Les menaces créent une relation basée sur la peur et le pouvoir. Votre enfant obéit par crainte des conséquences, et non pas parce qu'il comprend l'importance de la routine. Résultat : dès que vous n'êtes pas là pour surveiller et punir, la routine tend à s'effondrer.

De plus, l'utilisation de menaces engendre souvent une escalade, ou chacun s'engage dans un cycle épuisant d'où personne ne sort gagnant!

La formule Quand/Alors

Le principe : Établir une séquence logique et prévisible entre la routine et ce qui vient après, sans punition ni récompense artificielle.

La structure : « Quand [action de la routine], alors [activité agréable naturelle]. »

Exemples concrets :

Au lieu de : « Si tu ne te dépêches pas, tu n'iras pas au parc! », dites : « Quand tu auras fini de t'habiller et de déjeuner, alors nous pourrons aller au parc. »

Au lieu de : « Pas de tablette tant que ta chambre n'est pas rangée! », dites : « Quand ta routine du soir sera complétée, alors tu auras ton temps libre pour la tablette.»

Au lieu de : « Tu vas te coucher sans histoire si tu continues! », dites : « Quand tu seras en pyjama avec tes dents brossées, alors on aura du temps pour lire ensemble. »

 

Plan d'intervention sur 2 semaines

Évidemment, la résistance de votre enfant ne disparaitra pas du jour au lendemain. Voici donc un plan progressif qui vous permettra de transformer la dynamique avec votre enfant en l'espace de deux semaines. 

Semaine 1 : Observation et ajustements

Jours 1-3 : Diagnostic sans intervention

Prenez le temps d'observer simplement et prenez des notes (mentales ou réelles) :

  • À quels moments précis la résistance apparait-elle?
  • Quelles étapes posent le plus problème?
  • À quelle heure l'énergie de votre enfant chute-t-elle?
  • Y a-t-il des scénarios récurrents?

Faites le test des trois questions chaque jour : Connait-il? Peut-il? Initie-t-il?

Jours 4-5 : Conversation et co-construction

Choisissez un moment calme (évidemment pas pendant le moment de résistance!) pour parler avec votre enfant.

« J'ai remarqué que nos matins sont souvent difficiles. J'aimerais qu'on trouve des solutions ensemble. Qu'est-ce qui rend la routine difficile pour toi? »

Prenez le temps de vraiment écouter sa réponse : pas de justification, pas de minimisation. 

Ensuite, présentez à votre enfant UN outil du kit anti-résistance (tableau de choix, carte joker ou thermomètre d'énergie) et expliquez comment ça fonctionne. Laissez-le choisir lequel il préfère essayer.

Jours 6-7 : Mise en place de l'outil choisi

Introduisez l'outil sélectionné et expliquez la nouvelle règle « quand/alors » qui sera désormais appliquée. 

« À partir de maintenant, quand ta routine matinale sera terminée, alors nous aurons du temps pour [activité qu'il aime] avant de partir. »

Ces deux premiers jours de mise en place, essayez d'être le plus présent possible afin de guider, de supporter et d'encourager votre enfant, sans toutefois vous attendre dès le départ à la perfection!

Semaine 2 : Cohérence et autonomie progressive

Jours 8-10 : Application cohérente

C'est le moment de faire preuve de cohérence absolue! La règle « quand/alors » doit alors être appliquée chaque jour, sans exception et sans négociation. Votre ton doit idéalement rester calme et neutre.

Si votre enfant résiste :

  • Pas de colère
  • Pas de sermons
  • Pas de rappels incessants

Dites-lui plutôt : « Je vois que tu n'es pas prêt, mais la routine doit être terminée pour qu'on puisse [activité]. Je suis là si tu as besoin d'aide. »

Puis, vous vous éloignez. S'il termine sa routine : célébrez brièvement. «Tu as réussi! On a du temps maintenant. »

S'il ne la termine pas, vous appliquez la conséquence naturelle, sans plus :  « On n'a pas eu le temps pour [activité] ce matin. Demain, tu pourras choisir différemment. »

Jours 11-12 : Ajustements

Observez ce qui fonctionne et ce qui cause encore problème. Peut-être que l'outil choisi ne convient pas parfaitement à votre réalité et/ou à la personnalité de votre enfant? C'est donc le moment d'évaluer la possibilité d'en essayer un autre.

    Jours 13-14 : Recul progressif

    Commencez à vous retirer graduellement. Restez disponible, mais ne supervisez plus chaque étape et laissez plutôt votre enfant prendre les devants.

    Si la routine se déroule bien, ne dites rien; votre silence représente une forme de confiance. À la fin, un simple : « Tu t'es bien occupé de ta routine ce matin » suffit.

    Si les choses ne se passent pas comme vous le souhaitez, revenez brièvement : « Tu sembles bloqué. De quoi as-tu besoin? »

    À la fin des 2 semaines : Évaluation

    Lorsque les deux semaines sont terminées, prenez 15 minutes pour faire le point :

    • Qu'est-ce qui s'est amélioré?
    • Où subsistent des difficultés?
    • Votre enfant montre-t-il plus d'autonomie?
    • Le climat familial est-il moins tendu?

    Si des problèmes persistent, retournez au diagnostic : peut-être qu'une étape doit être simplifiée ou qu'un autre outil mériterait d'être ajouté.

     

    Passer à l'action

    C'est maintenant le moment de choisir l'outil qui convient le mieux à votre réalité familiale et d'en faire l'essai. Tentez le coup pour au moins trois jours et réévaluez la situation; si la situation problématique s'est améliorée, tant mieux! Sinon, pensez à sélectionner un nouvel outil et recommencez le processus, jusqu'à ce que les choses s'améliorent.